Les moyens des instances représentatives du personnel (IRP)

, par udfo08

Chers Camarades,

Après avoir subi un sévère coup de rabot avec la nouvelle délégation unique du personnel instaurée par la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 dite « Rebsamen », la cure d’amaigrissement des droits se poursuit. Mais la fusion des IRP n’était jusqu’alors pas obligatoire. Désormais, la fusion des IRP sera imposée partout, avec à la clé une baisse conséquente des moyens. Bien que nous nous soyons battus pour permettre la possibilité de maintenir un fonctionnement en IRP séparées, le Gouvernement n’a malheureusement pas fait droit à notre revendication.

Vivement opposée à cette fusion, FO avait cependant formulé des propositions censées en termes de nombre de représentants et d’heures de délégation. Mais, au vu du projet de décret, nous constatons que le compte n’y est pas (voir tableau en annexe).

Même si FORCE OUVRIERE a fait pression jusqu’au bout pour que le volume global d’heures de délégation soit maintenu – ce qui provoque l’ire du patronat – ainsi que la mutualisation des heures, il n’en reste pas moins qu’il demeure un paradoxe entre l’affichage d’un dialogue social renforcé et un repli des droits des salariés.

Par rapport à un fonctionnement en IRP séparées, les élus titulaires disposeront d’un volume d’heures de délégation en baisse dans certains cas (ex : moins 24 heures, si l’on prend en compte le total des heures de délégation, dans une entreprise ayant un effectif compris entre 50 et 74 salariés ; moins 49 heures dans une entreprise de 100 à 124 personnes…).

Par ailleurs, le projet de décret vient limiter le nombre d’heures passées par les membres de la délégation du personnel au CSE aux réunions internes du CSE et à ses commissions qui sont considérées comme du temps de travail et rémunérées comme tel. A défaut d’accord d’entreprise, le temps passé par les membres du CSE à ces réunions sera déduit des heures de délégation, dès lors que la durée annuelle globale de ces réunions excèdera 30 heures pour les entreprises de 300 à 1000 salariés et 60 heures pour les entreprises de plus de 1000 salariés.

La double mutualisation des heures de délégation, qui existait déjà depuis la loi Rebsamen, est désormais généralisée dans le cadre du CSE. Nous vous rappelons que cela permet la mutualisation des heures entre élus et sur l’année. Cette double mutualisation ne doit pas permettre à un membre de disposer, dans le mois, de plus d’une fois et demi le crédit d’heures de délégation dont il bénéficie. De plus, pour l’utilisation des heures cumulées, le représentant du personnel concerné doit en informer l’employeur au plus tard 8 jours avant la date de leur utilisation.

Pour ce qui est du nombre de membres du CSE, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Par rapport à un fonctionnement en IRP séparées, la perte du nombre de titulaires au CSE est conséquente et croissante suivant les effectifs des entreprises. Par exemple, pour une entreprise dont l’effectif est compris entre 100 et 149 salariés, il y aura 6 titulaires en moins. Pour une entreprise comprenant entre 5500 et 6249 salariés, il y aura 20 titulaires en moins ; 32 titulaires en moins pour une entreprise comptant au moins 9750 salariés.

Nous vous rappelons que, sur le fondement de l’article 1er du présent projet de décret, il est possible, dans le cadre du dialogue social, d’augmenter le nombre de membres de la délégation du personnel au CSE et le nombre d’heures de délégation. Il y a donc une vraie nécessité de négocier dans l’entreprise le droit syndical et le nombre de représentants locaux.

Pour ce qui est du CSE central, le nombre de membres ne pourra dépasser 25 titulaires et 25 suppléants, sauf accord conclu entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise (contre 20 titulaires et 20 suppléants auparavant).

Il convient également de souligner que le nombre de suppléants sera égal au nombre de titulaires, mais les suppléants ne pourront désormais plus assister aux réunions que lorsqu’ils remplaceront un titulaire, alors que, jusqu’à présent, ils pouvaient y assister systématiquement et avec voix consultative.

Cette diminution du nombre d’élus et de la durée des mandats aura pour conséquence d’exposer encore plus les salariés face aux employeurs en perdant leur statut protecteur et, plus précisément, sur la limitation des mandats à 12 ans, de priver nos négociateurs d’une expérience acquise, ainsi que d’une possibilité de transmission des connaissances aux jeunes élus.

De surcroît, FO dénonce la disparition des CHSCT et l’abandon de certaines de leurs missions en matière de santé et de sécurité des travailleurs. La Confédération envisage d’ailleurs de porter une contestation sur leur disparition (circulaire à paraître), car cela porte atteinte au droit fondamental à la santé.

Dans cette perspective, FO s’est opposée, pendant la concertation, à la prise en charge, même partielle, des expertises par le CSE, considérant que les questions de santé et de sécurité sont exclusivement de la responsabilité de l’employeur.

Rappelons que, jusqu’à présent, les expertises « santé » (risque grave et projet important modifiant les conditions de travail) étaient à la charge exclusive de l’employeur. Désormais, l’expertise relative au projet important modifiant les conditions de travail sera cofinancée par le budget de fonctionnement du CSE à hauteur de 20%. L’expertise en cas de risque grave concernant la santé ou la sécurité et les conditions de travail restera financée intégralement par l’employeur.

Concernant les expertises « économiques », seule celle relative aux orientations stratégiques de l’entreprise était jusqu’alors cofinancée par le CE (à hauteur de 20 %). La liste s’étend avec les ordonnances (ex : expertise relative à une opération de concentration, à l’exercice du droit d’alerte économique par le CSE, expertise menée lors d’une offre publique d’acquisition, expertise relative à l’introduction de nouvelles technologies). Cela privera les CSE à petit budget de recours à l’expertise.

Pendant la concertation, nous avons cependant obtenu que certaines expertises restent intégralement financées par l’employeur. C’est le cas de l’expertise annuelle sur la situation économique et financière de l’entreprise et de l’expertise annuelle sur la politique sociale. Initialement, le Gouvernement prévoyait que seule l’expertise menée dans le cas d’un projet de licenciement de 10 salariés et plus restait à la charge exclusive de l’employeur.

Cette diminution des moyens des IRP intervient alors même que le CSE va soumettre les futurs élus à une véritable polyvalence. Rappelons que, dans les entreprises comprenant entre 11 et 49 salariés, le CSE aura pour mission de présenter les réclamations individuelles ou collectives, ainsi que de promouvoir la santé, la sécurité et les conditions de travail. Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le CSE assurera les attributions du CE et certaines attributions du CHSCT.

Cela obligera les élus à traiter tous les thèmes (économie, orientations stratégiques, conditions de travail, santé…), mettant ainsi en péril la spécificité qu’avaient jusqu’alors les IRP, ainsi que leurs représentants et posant la question de leur formation.

Sur ce dernier point, précisons que, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, les membres titulaires du CSE élus pour la première fois bénéficieront d’une formation économique (ancien stage CE) d’une durée maximum de 5 jours. Mais cette formation ne sera pas renouvelée, contrairement à ce que prévoit actuellement le Code du travail (renouvellement tous les 4 ans).

Quant à la formation en santé, sécurité et conditions de travail, elle sera dispensée, quel que soit l’effectif de l’entreprise, aux membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail (quand elle existe) ou, le cas échéant, aux membres du CSE. Cette formation aura une durée minimale de 3 jours dans les entreprises de moins de 300 salariés et de 5 jours dans les entreprises comptant au moins 300 salariés. Cette demande n’a pas reçu d’écho favorable de la part du ministère.

Pour FO, cette formation devrait être dispensée à tous les membres du CSE, y compris en présence d’une commission santé, sécurité et conditions de travail, ce, dans la mesure où le CSE ne peut tout déléguer à la commission en matière de santé et de sécurité (ex : recours à l’expert, attributions consultatives) et sera donc amené à traiter aussi de ces questions.

La mise en place progressive du CSE a fait l’objet de la circulaire n° 122-2017 du 27 septembre 2017 (Secteur Conventions collectives) et nous resterons vigilants sur les conséquences de ces dispositions, en espérant qu’une évaluation interviendra rapidement sur ces nouvelles dispositions, comme nous l’avons demandé.

Amitiés syndicalistes,